Pour affirmer cette unité du dessein salvifique Paul remonte dans le temps avant les siècles. Derrière cette représentation temporelle il faut saisir une réflexion qui cherche à affirmer l'unité et la continuité du dessein de Dieu à travers des réalisations diverses, parfois même divergentes. Cette recherche apparaît déjà quand Paul remonte au-delà de Moïse pour se rattacher à Abraham et à sa descendance ; c'est ce qu'il fait en Galates 3,6-29, ainsi qu'en Galates 4,21-31, quand il présente la double descendance d'Abraham. Cette manière de se rattacher à Abraham, au-delà de la Loi donnée à Moïse, se retrouve en Romains 4.
Mais on peut encore remonter plus haut qu'Abraham et considérer la racine de l'humanité, c'est-à-dire Adam. A l'époque de Paul, une réfexion théologique juive, dont on trouve des échos chez Philon, se plaisait à voir dans le premier récit de la création l'apparition d'un premier Adam spirituel, servant de modèle pour la création de l'Adam terrestre (De opificio mundi, 134). En reprenant ces idées, Paul les applique au Christ en qui il reconnaît l'Adam spirituel apparu à la fin des temps. Cette interprétation ouvre la porte à des considérations universalistes et anthropologiques, en même temps qu'elle permet de donner une base à l'unité du dessein salvifique. En ce sens les développements de 1 Co 15,42-49, à compléter par 15,21-22, même s'ils visent à mettre en valeur la résurrection des morts, préparent tout ce qui dans Romains concerne l'unité du dessein de Dieu. Cette unité est liée à l'universalisme du salut, ainsi qu'aux développements anthropologiques de l'épître aux Romains, quand Paul, en 5,12-21, et en 7,7 - 8,17, met en parallèle et en opposition l'anthropologie adamique (voir Philon, De opificio mundi, 165) et ce qu'on pourrait appeler l'anthropologie de l'Adam spirituel.