Quand on essaie de reconstituer le développement de la théologie de la croix dans les communautés primitives, on peut légitimement avancer que la croix fut d'abord considérée comme un scandale. Tout l'effort des premières prédications fut d'atténuer ce scandale en faisant appel aux prophéties de l'Ancien Testament, aux prédictions de Jésus, aux rapprochements entre la passion du Christ et le destin du Juste. Ainsi peu à peu on se préparait à donner un sens positif à la croix.

C'est sans doute le mérite de l'hymne aux Philippiens1 de proposer dans les années 50 une interprétation positive de la mort du Christ. Souvent pour expliquer la théologie de Paul on part du récit de sa conversion, telle qu'elle est rapportée par 3 fois dans les Actes (Ac 9,1-9; 22,3-11; 26,9-18). Il s'agit là évidemment de quelque chose d'important. Cependant au-delà de ces récits qui ne remontent pas directement à Paul et qui sont caractérisés plus par des images que par une réflexion théologique, il paraît préférable de se référer à Paul lui-même, spécialement à cet hymne qu'il a volontairement intégré dans sa lettre, où la croix apparaît comme un moment de la révélation du Fils de Dieu. Cet hymne peut et doit être mis en relation d'une part avec la prise de position de Paul en Ph 3, d'autre part avec ses affirmations au début de la première épître aux Corinthiens, pratiquement contemporaine de l'épître aux Philippiens, concernant le langage de la croix, "scandale pour les Juifs, folie pour les païens" (1 Co 1,23) 2 .