En rapport avec la compréhension de la croix en Ph 2, on trouve en Ph 3 l'une des premières manifestations de la lutte de Paul contre les judaïsants, lutte qui va se développer spécialement en Galates et en Romains : "...Hébreu fils d'Hébreux ; pour la Loi, Pharisien ; pour le zèle, persécuteur de l'Église ; pour la justice qu'on trouve dans la Loi, devenu irréprochable. Or toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ. Mais oui, je considère que tout est perte en regard de ce bien suprême qu'est la connaissance de Jésus Christ mon Seigneur. A cause de lui j'ai tout perdu et je considère tout cela comme ordures (skubala) afin de gagner Christ et d'être trouvé en lui, non plus avec une justice à moi, qui vient de la Loi, mais avec celle qui vient par la foi au Christ, la justice qui vient de Dieu et s'appuie sur la foi : mè ekhôn emèn dikaiosunèn tèn ek nomou, alla tèn dia pisteôs Khristou, tèn ek theou dikaiosunèn epi tè pistei (Ph 3,5-9). La formulation de 3,9 apparaît au premier abord maladroite, opposant foi et Loi en ces termes : une justice qui vient de Dieu opposée à une justice qui vient de la Loi (comme si cette justice venant de la Loi n'avait pas Dieu pour origine). Cependant cette manière de parler, toute brutale qu'elle soit, est très expressive, nous y reviendrons un peu plus loin pour en comprendre le bien-fondé. Pour le moment regardons les versets 6b-8. Paul se présente comme un "véritable israélite" (voir Jn 1,47), un parfait observateur de la Loi : "pour ce qui est de la justice de la Loi, m'étant montré irréprochable". Or cela le conduit à repousser et à combattre la communauté issue du Christ. Que ce soit avant sa conversion ou après son appel par le Christ, Loi et foi ont été vécues par Paul comme des modes de vie en complète opposition. Passer de l'une à l'autre comporte rupture et déchirement.