C'est à juste titre que R. Arnaldez présente ainsi les puissances de la divinité telles que Philon les conçoit : "Les deux principales sont la puissance créatrice qui est exprimée par le nom de Dieu, et la puissance royale, exprimée par le nom de Seigneur" (DBS, art. "Philon", col. 1335). Évidemment il n'est pas question de retrouver telle quelle dans le N.T. la doctrine de Philon, encore moins de chercher à découvrir une influence directe de ce dernier sur les écrits pauliniens. Mais souvent Philon est l'écho de doctrines juives, spécialement de celles d'Alexandrie, qu'il recueille et développe. A travers Philon nous rencontrons peut-être des doctrines relativement courantes dans la Diaspora juive. Quoi qu'il en soit, en relisant le N.T. à l'aide des catégories de Philon, on voit se dessiner quelques orientations possibles.

 

2) Milieux lucanien et paulinien

a) Dans une première étape nous allons considérer plusieurs textes qui ne concernent pas le Christ, mais qui utilisent à propos de Dieu un vocabulaire parallèle à celui de Philon.

Dans le discours à l'Aréopage, proposé par Luc en Ac 17, il est fait allusion à la divinité, créatrice et Providence, à laquelle on donne successivement les titres de Theos et de Kurios : "Le Dieu (Theos) qui a créé l'univers et tout ce qui s'y trouve, lui qui est le Seigneur (Kurios) du ciel et de la terre, n'habite pas des temples construits par la main des hommes, et son service non plus ne demande pas de mains humaines" (Ac 17,24-25). Au double titre semblent correspondre les deux affirmations : le Theos n'habite pas des temples construits par les hommes, le Kurios n'a pas besoin du service des mains humaines.

On peut se demander si Rm 1,20 n'est pas aussi parallèle à la doctrine de Philon : "Depuis la création du monde ses perfections invisibles, éternelle puissance et divinité, sont visibles dans ses œuvres pour l'intelligence ...". On donne ici à l'Etre suprême deux attributs : la puissance éternelle et la divinité ; le dernier correspond bien au titre de Theos, et le premier pourrait correspondre à l'autre attribut décrit par le De Cherubim : la puissance. Et, semble-t-il, ces deux attributs sont explicités et commentés par les versets qui suivent :

A) correspondant à la puissance éternelle, les versets 23-24 :

- opposition entre le Dieu immortel et l'homme mortel : verset 23.

- c'est pourquoi Dieu les a livrés ... : verset 24.

A') correspondant à la divinité, les versets 25-26 :

- opposition entre le Dieu créateur et les créatures : verset 25.

- c'est pourquoi Dieu les a livrés ... : verset 26.

Peut-être retrouve-t-on ces deux attributs en 1 Jn 5,20, appliqués au Christ : "Dieu et vie éternelle".