Dans cet hymne on multiplie les prépositions, on rapproche sans doute la Sagesse et le Christ, pour souligner son rôle dans la création : "En lui tout a été créé ... Tout est créé par lui et pour lui, et il est, lui par devant tout. Tout est maintenu en lui" (Col 1,16-17). Cependant tout se passe comme si on hésitait à franchir le dernier pas ; on hésite à donner au Christ le titre de créateur, on hésite à dire que tout vient de lui (préposition ek).

L'épître aux Éphésiens continue à utiliser cette manière prudente de parler : "C'est lui [Dieu, manifestement Dieu le Père] qui nous a faits : nous avons été créés en Jésus Christ ..." (Ep 2,10). Ce qui est conforme à un autre texte de cette épître, signalé plus haut et qui se présente comme une confession de foi ou un hymne : "Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême : un seul Dieu et Père de tous ..." (Ep 4,5-6). On voit apparaître quand même une affirmation du pouvoir créateur, ou plus exactement recréateur, du Christ en 2,15 : "Dans sa chair, il a détruit le mur de séparation ... Il a voulu ainsi, à partir du Juif et du païen, créer en lui un seul homme nouveau ...".

En Tt 2,13 on pourrait comprendre ainsi le texte : "La manifestation de la gloire de notre grand Dieu et de notre Sauveur Jésus Christ" ; cependant avec beaucoup d'exégètes nous pensons que l'emploi de "manifestation" et le déroulement de la phrase grecque conseillent de lire : "La manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ". Dans cette épître les deux titres Theos et Kurios sont légèrement modifiés, ils deviennent theos et sôtèr. Manifestement ces deux titres sont appliqués tantôt au Père, tantôt à Jésus Christ. Dans une même phrase en 1,3-4 sôtèr qualifie Dieu (le Père) et le Christ ; un peu plus loin en 3,4-6, à deux versets d'intervalle, on retrouve la même manière de faire. Ce titre implique un pouvoir de recréation, il n'est donc pas étonnant que le titre Theos dans la mesure où il connote un pouvoir de création s'applique non seulement au Père, mais aussi à Jésus Christ (2,13). Tout se passe dans cette lettre comme si on avait conscience que le créateur (Theos) était seul capable de sauver, et que pour sauver il fallait nécessairement être créateur (Theos).