Un passage de l'épître aux Hébreux (1,8-12) applique à Jésus le titre Theos : en s'appuyant sur Ps 45,7-8 ("Ton trône, Dieu ... C'est pourquoi, ô Dieu ..."), les versets 1,8-9 de l'épître aux Hébreux voit en Jésus un Dieu à la fonction royale (trône, sceptre, onction) ; les 3 versets suivants décrivent Jésus comme un créateur immortel (sans pour autant ici lui appliquer le titre Theos). Par la juxtaposition de la royauté (1,8-9) et de la puissance créatrice (1,8-12), nous sommes proches, non du vocabulaire exact, mais de la doctrine de Philon sur les principales puissances de la divinité. Il convient de nuancer cette théologie de l'épître aux hébreux par l'insistance à présenter Jésus Christ comme mesitès, habituellement traduit "médiateur" (celui qui s'entremet entre deux ou plusieurs personnes, deux ou plusieurs partis). Cependant ces présentations de Jésus Christ comme créateur-sauveur et comme médiateur ne vont pas ensemble, ce qui pourrait peut-être indiquer que la seconde, liée au thème du sacerdoce de Jésus Christ, correspond plutôt à une vue métaphorique et circonstancielle : supériorité par rapport à Moïse médiateur de la Loi ; contexte d'alliance meilleure que l'ancienne.
3) Ecrits johanniques
Avant d'aborder les textes johanniques il convient de compléter les textes de Philon cités plus haut. En effet notre auteur alexandrin voit dans le Logos un troisième attribut qui unit les deux puissances principales de la divinité (Theos et Kurios) : "Un troisième attribut qui réunit les deux autres est dans l'intervalle : la raison (Logos), et c'est par la raison (logos) que Dieu est à la fois souverain et bon" (De Cherubim 27, trad. J. Gorez, 1963). Ce point de vue est bien souligné par R. Arnaldez : "Puisque le Logos est à la fois la pensée divine qui médite tous les biens qui seront donnés par la Création aux créatures, et la Loi qui se révélera aux prophètes, il est normal qu'en lui se réunissent toutes les puissances. Plus exactement, il est l'unité de ces puissances et il les diversifie dans son action sur le monde" (DBS, art. "Philon", col. 1336).