En résumé, nous constatons ceci : au début du N.T. on a, semble-t-il, utilisé la distinction entre les deux puissances Theos et Kurios pour appliquer le premier titre au Père, qui est à l'origine de tout, et le second à Jésus Christ Sauveur. A ce stade du développement, la dualité Theos-Kurios correspond à la dualité Père-Fils. Mais alors que ces derniers termes désignent des personnes et ne sont pas interchangeables, les deux autres expressions (Theos et Kurios) gardent leur valeur de titre. En particulier Theos désigne fondamentalement le créateur. Quand les théologiens du N.T. prennent conscience que le Seigneur Jésus ne peut sauver réellement et totalement qu'à condition d'être créateur, et qu'en ce domaine il n'existe pas d'intermédiaire, mais que le "médiateur" est en réalité lui-même créateur, on est alors amené à donner le titre Theos au Seigneur Jésus Christ.
Jean, en utilisant le terme de Logos, a suivi un chemin un peu différent, mais qui est également proche de Philon. Le Logos réunit en lui-même les deux puissances principales de la divinité : il est créateur (Theos) et il dirige le monde vers le salut (Kurios) (Jn 1,1-3.18 et 20,28). Quels que soient le point de départ et le cheminement, le milieu paulinien et le milieu johannique, fidèles à la cohérence de leur christologie, en sont venus à voir dans le Sauveur, capable de recréer, le Créateur, et donc à lui appliquer le titre Theos.
Derrière ces questions de titre, d'une part on précise la christologie du milieu paulinien, d'autre part on se trouve en situation pour découvrir le contenu de ce titre tel que le Christ l'a révélé. Sans doute Dieu dans l'Ancien Testament est-il toujours décrit comme ayant l'amour parmi ses qualités ; en Jésus Christ la définition du mot Theos devient "amour", et par là il faut comprendre qu'il s'agit d'un amour kénotique, comme nous l'avons vu plus haut.