En effet, ces deux dernières images sont clairement développées en 1 Co 12,12-31 ; Rm 12,5-8, et en Ep 5,23-32. Cependant si l'on tient compte du rapprochement en 1 Co 10,16-17 entre le corps eucharistique du Christ et le corps formé par les chrétiens ; si on constate qu'en 1 Co 12,12, l'unité du corps assumant la multiplicité des membres est appliquée non pas à l'Eglise, non pas à l'épouse, mais au Christ lui-même ; si l'on tient compte enfin que selon le vocabulaire et l'anthropologie de l'époque le corps du Christ n'est pas une quelconque adjonction au Christ, ni un second corps du Christ, mais l'entité Christ, on est conduit aux conclusions suivantes : la communauté chrétienne en communiant au pain eucharistique devient corps du Christ. Elle est incorporée au Christ. Evidemment il n'y a aucune confusion des personnes, et le processus d'incorporation est seulement en devenir. C'est sans doute pour écarter toute identification trop rapide qu'en 1 Co 12,27 il n'y a pas d'article : "vous êtes corps du Christ". Plus tard dans les épîtres aux Colossiens et aux Ephésiens on trouvera l'article (par exemple en Ep 1,23), mais alors grâce au thème de la tête on introduit une différence entre le Christ et l'Eglise. Il n'est donc pas question de voir dans ce corps qu'est l'Eglise un second corps du Christ. En réalité la "consistance" de l'Eglise repose non pas sur elle-même, mais uniquement sur le Christ. C'est là sa grandeur, si du moins elle accepte de ne pas s'ériger en société indépendante du Christ.

Ainsi l'union au Christ, l'incorporation au Christ est figurée et réalisée par l'Eucharistie, où le chrétien reçoit le Christ, et se trouve uni à lui, de sorte que la communauté ecclésiale devient progressivement Christ sans qu'il y ait pour autant identification complète, ni confusion des êtres. On peut dire que l'identité nouvelle du chrétien, ainsi que l'être de la communauté chrétienne, ont comme consistance la présence agissante du Christ auquel le chrétien est incorporé. Rien de plus, rien de moins.