C'est en même temps exaltant et déroutant. Je veux dire que Paul évite de donner à l'Eglise une consistance propre qui la situerait à côté du Christ. Si parfois on voit dans l'Eglise l'épouse du Christ (voir Ep 5 ) ou la mère des chrétiens, il s'agit d'images expressives, qui ont besoin d'être critiquées et purifiées avant d'être utilisées de manière théologique. Enfin il est toujours utile de remarquer que Paul, aussi bien en 1 Co 12 qu'en Rm 12, insiste sur l'unité dans la diversité des fonctions au profit de la communauté ecclésiale.
Cet enracinement s'accommode très bien de certains développements : thème stoïcien du corps, thème de la tête, thème de l'époux-épouse. Concernant le premier thème, Platon dans le Timée (32C) parlait déjà du corps de l'univers. Les stoïciens ont repris et développé cette idée de l'univers conçu comme un corps en distinguant diverses sortes d'unité et différents principes d'unité. Pour Sénèque nous sommes les membres d'un grand corps : "membra sumus corporis magni" (Ep. 95) ; et dans une autre lettre (92) il déclare : "l'univers est un, et le 'un' universel est Dieu ; on peut dire que nous sommes les membres de Dieu, car le tout, en tant qu'il est un, constitue un corps." Un peu plus tard, au 2ème siècle, Marc-Aurèle écrivait : "Le tout constitué par le ciel et la terre, les hommes et les dieux, est une unité, un corps où l'homme est un avec la divinité."
Dans les épîtres aux Colossiens et aux Ephésiens on voit apparaître le thème de la tête, ce qui apporte une complication : il faut se garder de chercher à se représenter de manière imaginative cette accumulation de comparaisons. Un texte de Philon, dans son commentaire de l'Exode, se rapproche de cette manière de parler : "Le Logos éternel du Dieu éternel est la tête de l'univers, sous lequel, tels les pieds et les autres membres, se situe le monde entier."
L'Église en Ep 1,23. La fin du 1er chapitre décrit la puissance salvatrice du Christ, ce qui introduit les thèmes de l'univers et de l'Église. Celle-ci est décrite comme son corps, to plèrôma tou ta panta en pasin plèroumenou.