Faut-il comprendre plèrôma comme un substantif ayant une valeur active (ce qui complète) ou passive (plénitude) ? Faut-il comprendre le participe comme un passif (qui est complété) ou un moyen (qui complète, d'une manière qui le concerne) ? On obtient ainsi quatre traductions possibles, chacune ayant un sens intéressant et ses partisans. Cependant pour harmoniser l'emploi de plèrôma dans les épîtres pauliniennes, spécialement quand il s'agit de l'Église, la majorité des exégètes préfèrent opter ici pour le sens passif de plénitude. Si l'on comprend plèroumenou comme un participe passif on obtient un sens excellent (l'Église est le corps du Christ, la plénitude de celui qui est totalement rempli par Dieu), mais il paraît étonnant de réduire à une simple formule adverbiale les expressions ta panta en pasin, alors que le contexte immédiat parle de l'univers. Si l'on voit dans ce participe plèroumenou un moyen (la plénitude de celui qui remplit tout en tous), les expressions ta panta en pasin prennent tout leur sens ; mais on rencontre alors une autre difficulté : si le Christ remplit l'univers de sa plénitude, quelle est la différence entre l'univers et l'Église ? Pour résoudre cette difficulté il suffit de constater qu'il s'agit ici d'un participe présent : l'action est en train de se faire. Le Christ est en train de remplir l'univers de sa propre plénitude, de sorte que cette "partie" de l'univers qui accepte de recevoir le Christ devient Christ (c'est-à-dire corps du Christ), devient plénitude du Christ. Selon cette manière de comprendre, les trois termes (Christ, univers, Église) sont présents les uns ou autres, mais chacun a son rôle à jouer sans confusion avec les autres. C'est donc cette dernière interprétation (plénitude de celui qui est en train de remplir tout en tous) qui paraît devoir être retenue : elle présente moins de difficultés que les autres, et elle correspond bien au contexte qui, en décrivant l'action salvifique de Dieu, insiste sur les rapports entre trois termes (Christ, univers, Église) : "Il a tout mis sous ses pieds et il l'a donné, au sommet de tout, pour tête à l'Église".