On sait comment en Allemagne dans les années 30, Dom Casel a essayé de rattacher le mustèrion du N.T. aux mystères des religions grecques. Les études liturgiques et sacramentelles en ont peut-être profité, mais c'était au prix d'un contresens exégétique, que les spécialistes se sont empressés de dénoncer. L'unanimité s'est faite pour reconnaître à ce mot une origine sémitique. La cause est entendue et il est impossible de revenir sur ce point, que les découvertes de Qumrân ont encore confirmé s'il en était besoin.
Est-il permis cependant d'apporter quelques nuances, de poser quelques questions, de revenir un peu en arrière ! S'il est bien clair que l'ensemble des emplois de mustèrion dans le N.T. renvoie au Secret du Roi, c'est-à-dire au dessein de Dieu, dessein salvifique, caché depuis l'origine des temps, maintenant révélé (voir Col 1,26), on ne voit pas pourquoi ce seul et unique sens serait en vigueur partout et toujours dans le N.T. malgré la diversité des auteurs, des milieux et des cultures. En effet, une ou deux fois ce mot donne l'impression de s'écarter de sa signification habituelle. Laissons de côté 1 Tm 3,16 avec ses difficultés propres, pour examiner Ep 5,32. Il se trouve qu'ici un éclairage provenant de Philon pourrait donner à ce texte une signification satisfaisante.
Plus d'une fois Philon utilise ce mot, en se référant non pas aux textes sapientiels de la Bible, mais aux mystères grecs. Dans ces mystères, ceux qui sont dignes d'être initiés, guidés par un mystagogue, et éclairés par un "texte sacré" (hieros logos), découvrent le sens profond d'une représentation qui décrit ordinairement un mariage sacré (hieros gamos) entre les dieux et les déesses. On donne davantage d'importance aux grands mystères, c'est-à-dire à ceux qui concernent Dieu.