Par rapport aux mystères grecs Philon ne veut pas être en reste : assez souvent, spécialement quand la Bible présente le mariage d'Adam ou celui d'un patriarche, Philon regarde le texte biblique comme un hieros logos décrivant un hieros gamos, et il se charge de commenter et d'expliquer ce mustèrion. Ainsi à propos d'Adam et Ève : "Quand nous parlons de la conception et de l'enfantement des vertus, que les superstitieux se bouchent les oreilles ou s'éloignent. Mystères divins (teletas) que nous expliquons point par point aux initiés dignes de connaître les mystères les plus saints ..." (De Cherubim 42, trad. J. Gorez). "Ces choses, vous qui êtes initiés aux mystères (mustèria), et dont les oreilles sont purifiées, accueillez-les en vos âmes comme des mystères réellement saints (hôs hiera ontôs mustèria) ... soyez-en les intendants ... Moi j'étais initié aux grands mystères (ta megala mustèria) de Moïse, l'ami de Dieu ..." (id. 48-49). "C'est pourquoi ils ont raison à mon avis, ceux qui ont été initiés aux petits mystères (mustèria) avant de l'être aux grands dont nous parlons" (De sacrificiis A. et C. 62, trad. A. Méasson). L'insistance de Philon est telle qu'on s'est parfois demandé s'il n'existait pas, au moins dans la communauté juive d'Alexandrie, une initiation comparable à celle des mystères grecs. En réalité il est sans doute préférable de voir seulement dans une cette manière de parler une "exégèse allégorique du texte sacré" (A. Méasson, De sacrificiis Abelis et Caini, note 14, p. 202-204).
C'est à la lumière des textes de Philon que nous venons de voir qu'il convient de comprendre Ep 5,31-32. Le mot "mystère" ne renvoie pas ici au dessein de Dieu caché depuis la création et maintenant révélé, mais après avoir cité un hieros logos (à savoir Gn 2,24) qui décrit un hieros gamos (le mariage d'Adam et Ève qui sert de prototype à l'humanité, et qui donc dans cette mesure-là remplace les mariages grecs entre un dieu et une déesse), l'auteur donne l'explication profonde de ce "mystère" ("grand mystère" puisqu'il concerne le Fils de Dieu). En réalité, comme chez Philon, il s'agit d'une explication allégorique : rien de direct, ni de nécessaire, mais on s'appuie sur l'Écriture sacrée et sur le thème du Nouvel Adam pour souligner l'unité d'amour qui existe entre le Christ et l'Église.