D'un autre côté on essaie de s'organiser en institution religieuse ; on s'inspire alors de la religion juive. La crise gnostique précipite les choses. Alors que la gnose est un élément capital et positif dans la théologie paulinienne ; alors qu'Irénée est l'un des meilleurs représentants de ce courant fidèle à la gnose de Paul, les excès et les déviations du gnosticisme amènent l'ensemble des responsables chrétiens, y compris Irénée, à réagir vigoureusement contre ces positions erronées. Quand une hérésie survient, les dommages sont causés en partie par cette déviation, mais surtout et avant tout par le durcissement de la Grande Église qui rejette avec l'erreur menaçante tout ce qui pouvait être juste et profond dans l'opinion des adversaires. Non seulement le gnosticisme est combattu, mais toutes les formes de gnose sont suspectées d'hérésie. Ainsi par réaction et par une inculturation plus ou moins discutable, les chrétiens tentent alors de se présenter comme une religion respectable. Cependant l'une des idées dominantes de Paul était de montrer les limites de la Loi, dans la mesure où celle-ci, dans un effort admirable, mais inefficace, essayait d'ouvrir l'accès à Dieu. C'était par le fait même montrer les limites des religions par rapport à la foi chrétienne. C'est dire qu'en donnant à la foi chrétienne un statut de religion et en imitant la religion juive sous prétexte d'enracinement, on s'éloignait de l'enseignement de Paul. Cette dernière réflexion est-elle proche de Marcion ? C'est ce que pourraient prétendre les nostalgiques de la religion juive. Mais ici encore la réaction de la Grande Église contre les excès de Marcion a conduit les chrétiens de cette époque et d'aujourd'hui à minimiser la nouveauté et l'originalité du Christ, ce qui est évidemment dommageable pour la foi chrétienne.
On peut constater un phénomène similaire au 16ème siècle. Luther redécouvre Paul et critique fortement l'Église Romaine. Celle-ci en voulant s'opposer à ce que ces critiques avaient d'excessif, a repoussé en même temps ce qu'elles avaient de justifié, et elle a pris ses distances par rapport aux doctrines issues des épîtres pauliniennes