Ces querelles entre les apôtres, loin de constituer des anecdotes négligeables ont une portée théologique. Lorsque Paul réagit contre ceux qu'il appelle des "super-apôtres" en 2 Co 11,5 (voir aussi 11,15), il entend défendre l'Évangile qu'il prêche 4 . En même temps ces querelles et ces discussions, qui concernaient la manière de vivre des uns et des autres, montrent que la théologie de Paul ne s'est pas constituée d'une manière abstraite et déductive. Au risque d'étonner, on peut dire qu'il n'y a rien de plus concret que la pensée de Paul, même dans Romains. Dans ces discussions tout est centré sur quelques problèmes pratiques : les païens peuvent-ils entrer dans l'organisme de salut constitué par les communautés chrétiennes ? Cette question selon les Actes aurait été, non sans hésitations, résolue par Pierre et les communautés primitives, mais il était bon de revenir sur ce problème afin que la réflexion théologique sous-jacente à la solution de cette difficulté permette aussi de résoudre la seconde question plus brûlante : entrés dans l'organisme de salut, les païens convertis doivent-ils se soumettre à la Loi ?
En soulignant l'aspect concret de ces discussions, on prend conscience de deux choses : l'aspect tranché des questions et l'aspect irréductible des oppositions.
L'aspect concret qui est à la base de ces réflexions théologiques nous aide à comprendre qu'en ces matières il n'y a pas de compromis. Une idée abstraite peut composer avec une autre, et on peut s'installer dans le juste milieu d'un compromis, mais ici il s'agit de savoir si le païen converti doit suivre les interdits alimentaires de la Loi ; le juif converti doit-il ou non continuer à pratiquer la circoncision et le sabbat ? Ici pas de compromis ni de demi-mesure. Le compromis élaboré par Jacques à l'Assemblée de Jérusalem était inacceptable pour la cohérence théologique de Paul, ainsi que pour tout esprit logique.