Il est impossible de passer outre à ce parallélisme du texte, quitte à expliquer ensuite pourquoi et comment ce phénomène littéraire réunit en une seule strophe des thèmes différents concernant la création et le salut. Avant d'en venir à ce point important, on peut tout de suite écarter la recherche d'une strophe supplémentaire qui serait parallèle à 16d-18a. En effet nous trouvons ici un parallélisme intérieur qui clôt la strophe sur elle-même (alors qu'entre la première, 15-16c, et la dernière strophe, 18b-20, il y a un parallélisme externe).
Comment expliquer dans cette strophe
intermédiaire la présence des deux thèmes de la
création et du salut ? D'une part la toile de fond de cet
hymne est constituée par la Sagesse
vétérotestamentaire (voir Pr 8,22ss) qui préside
en même temps à la création et au salut. D'autre
part ici le texte met manifestement un double lien entre la
primauté du Christ dans la création et dans le salut
:
1) le parallélisme entre la première et dernière
strophe, loin de séparer ces deux primautés, les
rapproche et établit un rapport entre elles.
2) Dans la strophe intermédiaire ce qui est décrit
concernant la primauté dans la création (être en
avant, tout maintenir ensemble) caractérise exactement le
rôle physiologique de la tête ; or concernant la
primauté dans le salut la fin de cette strophe
intermédiaire décrit le Christ comme tête.
De ces constatations on peut tirer
deux conclusions :
1) On pourrait présenter le Christ comme tête de la
communauté ecclésiale, mais quel sens exact faudrait-il
donner à cette expression de tête ? Le Christ serait-il
tête comme n'importe quel roi est tête de son peuple, ou
comme Moïse peut être regardé comme tête
d'Israël ? Ou bien est-il tête d'une manière qu'on
peut qualifier d'ontologique, parce que comparable à ce qu'il
est dans la création ? Cela évidemment donne toute sa
valeur à une expression qui ne peut plus être
considérée comme une simple image, mais qui est une
définition "ontologique".
2) Ce lien étroit mis entre ces deux primautés donne toute sa valeur et à la création et au salut. La création est faite dans et pour le Christ, c'est-à-dire en relation avec le salut ; sans doute s'agit-il d'un secret déposé au cœur de la créature, et il faudra la révélation apportée par Jésus Christ pour que nous le comprenions, mais tout est créé pour le Christ Sauveur.