Mais il était important de montrer que le dessein christique était préalable à la Loi : dans l'histoire du salut dirigée par Dieu il n'y a pas de changement de direction ; et le salut par le Christ est bien au-dessus de la Loi, ou, autre manière de le dire, bien antérieur à la Loi. Une tentative pour exprimer ce point de vue se rencontre en Ga 3 et en Rm 4 lorsque Paul remonte à Abraham avant la Loi, mais ici on remonte à la création, et même avant la création pour couper court à toute discussion (après tout un judaïsant pourrait appuyer le précepte du sabbat sur le récit de la création !). Théologiquement cela donne à la révélation christique une dimension coextensive à la création, avec toutes les conclusions qu'on peut en tirer : noblesse de la création où se trouve caché ce secret ; la révélation christique est liée aussi au développement de la création ; il n'y a aucune commune mesure entre la révélation christique et le processus pédagogique et prophétique d'une Loi transitoire ; plus que d'une "histoire du salut" il convient de parler du "dessein de Dieu", ce qui est un thème théologique plus élevé qu'une recherche historique ; enfin si l'on veut présenter ce dessein de Dieu il ne serait pas conforme à la foi chrétienne de commencer par la création et le "péché originel", il faut nécessairement "commencer" par ce dessein de Dieu "antérieur" à la création, même s'il n'a été révélé qu'à la fin du N.T. Selon une vue humaine et sociologique on peut regarder les Juifs comme nos frères aînés ; selon la théologie du Nouveau Testament, spécialement selon Ephésiens et le Prologue de Jean, on doit s'exprimer autrement.

Dans cette Bénédiction on peut compter jusqu'à onze mentions directes ou indirectes du Christ ; et cependant le thème dominant est celui du mystère, c'est-à-dire du dessein de Dieu, ce qui donne à ce texte une certaine allure abstraite. Une christologie se cherche, nous sommes ici manifestement à la veille des grandes affirmations du Prologue de Jean : il "suffit" de modifier légèrement ces mots de mystère et de dessein pour utiliser le terme de Logos, et surtout il "suffit" d'en faire un titre et de l'appliquer au Christ afin que celui-ci assume le dessein et soit identifié à lui, pour obtenir l'essentiel du Prologue johannique.