En réalité, Paul associe le mot Loi soit au Christ, soit à l'Esprit, pour signifier que le Christ et l'Esprit tiennent lieu de loi, mais évidemment ce n'est pas pour réintroduire la Loi (mosaïque ou même évangélique) dans la vie chrétienne.
Malgré la complexité des nuances qui peuvent modifier le sens exact du mot il est important d'enraciner le mot dans une signification qui est ordinairement en relation avec la Loi mosaïque normative et prophétique. Cette Loi est à comprendre dans son contexte d'alliance et d'amour sans qu'il y ait lieu de la réduire à des pratiques légalistes. Mais cette Loi dans l'Ancien Testament est conçue comme un moyen de s'approcher de Dieu et d'avoir la vie (voir Lv 18,5 cité par Ga 3,12 et Rm 10,5). Est-ce vraiment possible ? Paul trouve dans la révélation apportée par le Christ le chemin qui permet de dépasser une Loi incapable par elle-même de nous conduire à Dieu.
La formulation de ce verset 21 est claire, sans équivoque : khôris nomou "sans la Loi" est-il dit (voir aussi 3,28 : "Nous estimons que l'homme est justifié par la foi, indépendamment des œuvres de la Loi" khôris ergôn nomou.) En mettant la Loi à l'écart, il ne s'agit pas de repousser seulement les excès légalistes, les lois cérémonielles, les préceptes alimentaires, mais la Loi dans son ensemble, y compris le Décalogue, dans la mesure où selon la Loi celui qui observe le Décalogue pense par là atteindre la vie divine. En disant "sans la Loi" Paul semble bien écarter l'idée que les œuvres puissent être "cause" de la justification ou son origine, ou qu'elles puissent coopérer à la justification. Pour Paul, la justification est une recréation qui appartient uniquement au Créateur.
Il est éclairant de comparer les positions de Paul avec l'épître de Jacques, spécialement 2,14-24 : "Que sert-il à quelqu'un de dire qu'il a la foi, s'il n'a pas les œuvres ? La foi peut-elle le sauver ? Si un frère ou une sœur sont nus (etc.). Ainsi en va-t-il de la foi, si elle n'a pas les œuvres, elle est bel et bien morte (...)". Commentons au fur et à mesure : Paul serait bien d'accord avec le principe ici posé, sauf que, dans sa manière de parler, la foi est toujours une foi vive, c'est-à-dire une foi qui produit des actes ; mais ceux-ci pour Paul et ses disciples ne sauvent pas; préparés par Dieu, ils attestent seulement que la foi d'où ils émanent est une foi véritable (voir Ep 2,8-10).