Continuons le texte de l'épître de Jacques, verset 20 : "Veux-tu savoir, insensé, que la foi sans les œuvres est stérile ? Abraham, notre père, ne fut-il pas justifié par les œuvres, lorsqu'il offrit sur l'autel son fils Isaac ?" Commentons : on peut mettre en parallèle, c'est-à-dire en opposition, cette interprétation avec celle de Paul en Romains 4, où Abraham est justifié par sa foi en la parole du Seigneur concernant sa descendance. Malgré 1 M 2,52 et Si 44,20-21, c'est manifestement Paul qui a raison car cette justification d'Abraham intervient en Genèse 15,6, tandis que le sacrifice d'Isaac est rapporté seulement dans le chapitre 22. Continuons l'épître de Jacques : "Tu vois bien qu'en lui foi et œuvres coopéraient, et que c'est par les œuvres que sa foi fut rendue parfaite" ; Paul et ses disciples admettraient bien l'importance des œuvres, mais comme une conséquence du salut donné par grâce au moyen de la foi (voir Ep 2,9-10), ils éviteraient les formulations trop ambiguës de Jacques. Nous arrivons enfin au verset 24, qui dépasse les prémisses, de telle sorte que cette affirmation est en opposition avec Paul. Voici ce verset 24 de Jacques : "Vous le voyez : c'est par les œuvres que l'homme est justifié, et non par la foi seule." : horate hoti ex ergôn dikaioutai anthrôpos kai ouk ek pisteôs monon. Il s'oppose à Rm 3,28 : "Nous estimons que l'homme est justifié par la foi, indépendamment des œuvres de la Loi". ....dikaiousthai pistei anthrôpon khôris ergôn nomou.
Dans ce texte sans doute polémique, Jacques mêle ce qui concerne la justification (passage d'un état d'inimitié par rapport à Dieu à un état de réconciliation et de paix, comme cela est décrit en Rm 5,1-11) et ce qui concerne le passage de cet état de chrétien justifié à celui de chrétien sauvé définitivement. L'affirmation de Jacques 2,24 en termes de justification est indéfendable par rapport à la position de Paul (Ga 2,16; Rm 3,21.28 etc). Pourrait-on dire, cependant que Jacques, en réalité, entendait décrire ici le chrétien, mu par l'Esprit, augmentant par ses œuvres la justice reçue gratuitement ? Paul ne méconnaît pas l'importance des œuvres : toutes ses lettres se terminent par des conseils concernant la vie concrète du chrétien. Mais pour lui, l'importance des œuvres se situe à un niveau qui d'aucune façon n'est à confondre avec la "recréation" salvifique opérée uniquement par Dieu en Jésus Christ (voir Ep 2,8-10).
On notera que pour lever certaines ambiguïtés du texte de Trente sur la Justification (spécialement l'anathème 24 et le chapitre 10, qui cite Jc 2,22.24) il convient de tenir compte des accords entre Luthériens et Catholiques sur la justification par la foi, conclus en 1997, signés en octobre 1999. Ce texte d'accord tout en reconnaissant l'importance et la nécessité des œuvres, comme conséquences et fruits de la justification, évite de situer sur le même plan la foi et les œuvres ("tout ce qui dans la personne humaine précède et suit le don libre de la foi n'est pas la cause de la justification et ne la mérite pas.").
Souvent avec un bon esprit, qui montre qu'on n'a pas bien compris la position de l'épître aux Romains, on essaie d'harmoniser les positions de Paul et de Jacques, comme si on pouvait établir un compromis entre ces principes dont les conséquences (par exemples pratiquer le sabbat, la circoncision etc.) n'acceptent pas de demi-mesures (voir Ac 21,1-26). C'est par les conséquences qu'elles entraînent que nous pouvons et devons estimer le degré de pertinence de ces principes.