Au centre du tableau est représenté un Christ qui est en même temps souffrant et ressuscité. Il est déjà ressuscité, comme en témoignent ses yeux ouverts alors qu'il porte la blessure mortelle du côté ; il est souffrant, comme en témoignent la couronne d'épines, toutes les blessures sanglantes, un ange qui pleure. Cette présentation s'enracine dans la tradition du Christ de saint Grégoire. Sur l'histoire de ce Christ de vision, où se trouvent mêlées mort et résurrection, on consultera utilement l'ouvrage d'Émile Mâle, L'art religieux de la fin du Moyen Age en France, 1908, p. 91-97. On retiendra en particulier qu'assez souvent les anges soulèvent un rideau derrière Jésus ; ici c'est le manteau royal qui fait office de rideau. En effet, à la mort de Jésus, le rideau du temple fut déchiré en deux (Mc 15,38) ; mais ce voile, selon He 10,20 n'était autre que la chair crucifiée du Christ. A travers la mort de Jésus, à travers sa chair déchirée, on peut contempler le mystère du Saint des Saints, à savoir la profondeur de l'amour kénotique de Dieu, qui dans son fils souffre pour les hommes et se laisse chasser par eux.
Comme beaucoup de représentations du Christ de saint Grégoire, en particulier comme le Christ de pitié du Musée d'Art de Worcester, MA, USA (autrefois attribué à Nicolas Froment, et relativement proche du Christ de notre tableau), Jésus ici est en même temps ressuscité et souffrant. Dans la vision de saint Grégoire la résurrection n'efface pas l'actualité de la passion : c'est par ces deux événements sauveurs que le pécheur est aujourd'hui appelé au salut. On peut dire aussi que l'artiste transpose dans le Christ la situation du croyant : celui-ci est en même temps plongé dans le mystère de la croix et dans celui de la résurrection ; en même temps il souffre et participe à la gloire du Christ.
Dans la lignée des "fontaines de vie" qui au sang du Christ associent souvent le témoignage des évangiles on peut citer les quatre mascarons, qui, à Chinon dans l'église Saint-Mexme (reproduction dans É. Mâle, L'art religieux de la fin du M.A., p. 110), représentent les figures symboliques des quatre évangiles et font passer d'un petit bassin à un plus grand le sang rédempteur du Christ.