On pressent qu'ici le peintre a voulu donner une place privilégiée aux deux "théologiens" du N.T. : Jean et Paul. Mais il faut essayer d'aller plus loin et tenter de donner une explication totale à l'organisation de ce tableau.

En particulier il faut essayer d'expliquer le mouvement très curieux qui semble entraîner les anges dans un sens et le Christ dans un autre. Sans doute cette tension donne-t-elle ainsi une certaine force au tableau, mais elle a aussi un sens qu'il s'agit de discerner. Tout se passe ici comme si on entendait donner une place privilégiée à Jean, Paul, Pierre et Marc.

- En effet, ces quatre auteurs se trouvent à la droite du Christ. On sait comment, spécialement au Moyen Age, cette situation était signifiante dans le théâtre, la sculpture, la peinture.

- Habituellement dans les représentations du Christ de pitié les anges sont en vis-à-vis et ils tournent leur regard vers le centre, c'est-à-dire vers le Christ. Ici les anges entraînent le Christ vers la gauche, comme s'il y avait une connivence entre les anges qui ont promulgué la Loi (voir Ga 3,19) et ces auteurs dont plusieurs (Jacques, Matthieu, Jude) sont liés à des communautés judéo-chrétiennes.

- Ce dernier point est souligné par le jeu des couleurs : le vert et le blanc des anges se reflètent sur les habits des auteurs de gauche. Par ailleurs le Christ regarde vers sa droite, et le rouge éclatant de son manteau royal se retrouve sur les habits des auteurs de droite. Cette couleur fait penser au sang du Christ, à son amour et à sa royauté ; elle donne à cette partie du retable un ton vif, joyeux, clair.

- A la droite du Christ, les auteurs sont en vis-à-vis deux par deux ; leur position donne une impression d'harmonie et d'entente. A la gauche du Christ, Jacques tourne le dos à Matthieu ; Jude tourne le dos aux spectateurs ; c'est moins harmonieux.

- Matthieu porte sur ses épaules, non pas un manteau, ni une tunique, mais un châle blanc, comme le châle de prière des Juifs ; ainsi se trouve souligné son caractère judéo-chrétien.