D'autre part on peut avancer l'hypothèse suivante : ce texte contient de manière mêlée des éléments psychologiques, métaphysiques, mythiques, psychanalytiques, théologiques. Par exemple il est possible et vraisemblable qu'à partir d'un mythe primitif (comparer avec les mythes babyloniens) on ait réorienté le texte en introduisant quelques perspectives "théologiques" ; il ne faudrait pas pour autant donner à chaque phrase une portée théologique. Ainsi, la Divinité est décrite comme une puissance créatrice, doué de bonté, d'autorité, de proximité, de justice, de miséricorde ; cependant elle prend la figure d'un potentat oriental jaloux de ses prérogatives (l'interdiction sous peine de mort est donnée sans motif ni explication ; voir encore 3,22-24). Ces traits mêlés nous avertissent qu'il faut se garder d'interpréter ce mythe de manière allégorique.
Enfin on sait comment spontanément beaucoup d'interprètes (depuis Philon, Ambroise, jusqu'aux commentateurs modernes) ont perçu dans ce texte des allusions sexuelles. Mais comme il était désagréable de réduire à une faute sexuelle le "péché originel", on a préféré, avec un bon esprit qui allait contre l'évidence, refuser toutes ces allusions. Prenons un autre chemin : laissons de côté le rapport qu'on a voulu voir entre ce texte et le "péché originel" ; essayons sans préjugé de comprendre ce récit selon son genre littéraire.
Le "récit" est clairement centré sur la formation du couple : les personnages passent de l'enfance (symbolisée par une nudité sans honte) à l'âge adulte ; découverte de l'unité ("une seule chair") entre l'homme et la femme et de leur complémentarité ; annonce des souffrances de la maternité et description des rapports entre l'épouse et son mari (3,16).