C'est à partir de ces éléments explicites et clairs qu'il convient d'interpréter les expressions difficiles ou voilées, et non l'inverse. Par exemple que signifie la "connaissance du bon et du mauvais" hd't tôb wr' trop vite interprétée, de manière unilatérale, comme étant la connaissance du bien et du mal ? Laissons ouverte la possibilité de comprendre cette expression comme la connaissance du bonheur et du malheur, la connaissance du meilleur et du pire, ce qui correspondrait bien à la formation du couple humain.

Si on lit le texte dans cette perspective on constate que de nombreux éléments psychologiques, mythiques, psychanalytiques se mêlent et se croisent pour tisser une présentation en même temps concrète et symbolique de la rencontre entre l'homme et la femme. L'arbre de Vie n'a-t-il pas une connotation symbolique pour exprimer la puissance vitale du couple ? Cette signification symbolique se retrouve en Is 11,1 : "Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines" ; à partir de ce texte est née, à juste titre, l'expression "l'arbre de Jessé". Pourquoi l'arbre de la "connaissance du bon et du mauvais" est-il au début du mythe identique à l'arbre de vie (2,9.17; 3,1.6.12), tandis que plus tard on les distingue (3,22-24) ? On peut se demander si ces deux formules ne correspondent pas à un seul et même symbole phallique supportant cependant deux fonctions différentes : l'homme et la femme parviennent à la connaissance de la félicité (physique, psychologique, spirituelle) et en même temps ils procréent la Vie. Ils peuvent cueillir et conquérir la première chose, cependant la seconde leur échappe : quand et comment apparaît la vie ? Comment la fabriquer ? Et pour eux-mêmes pourquoi et comment ne sont-ils pas immortels, eux qui "procréent" des êtres vivants ? Dans un moment d'ivresse ils peuvent se croire éternels, en réalité à cet instant ils découvrent leurs limites et leur finitude.