Dans ce texte tous les personnages, y compris le représentant divin, sont un peu fautifs ; cependant par rapport aux mythes plus anciens, on veut manifestement d'une part ne pas faire porter sur Dieu le poids de la responsabilité de la condition misérable des hommes, d'autre part ne pas réduire "ce qui est arrivé" à un simple malentendu ou à une tromperie sans qualification morale ; on ne veut pas non plus rendre les hommes responsables de tout. L'astuce consiste à introduire le serpent et à le désigner comme le grand fautif (ce qui n'explique rien, puisqu'il a été créé par le personnage divin, et que d'une certaine manière il est lié à l'homme). Sans les disculper entièrement, on ne s'acharne ni sur Dieu, ni sur les hommes ; cependant ces derniers dans le récit mythique sont présentés comme des êtres désobéissants, qui ont nettement contribué à leurs misères. Si l'on respecte le genre littéraire mythique, on doit comprendre que cette description concerne la condition humaine présente ; il paraît légitime de constater que le mythe cherche à situer le rapport homme-femme comme le lieu où se joue librement le destin de l'humanité.

Adam et Ève ont la permission de manger de tous les arbres, sauf de celui qui est au milieu du jardin. Que signifie cette interdiction ? S'agit-il d'un ordre arbitraire, d'une épreuve gratuite pour vérifier l'obéissance du couple aux ordre divins ? Si le fruit de cet arbre évoque l'union du couple, l'interdiction devient particulièrement difficile à comprendre. Toute interprétation, mythique ou non, de ce récit bute contre cette aporie. Cependant cette question inscrite dans le texte doit devenir pour le lecteur une clef qui ouvre le sens de ce récit mythique. Pourquoi Adam et Ève peuvent-ils manger de tous les arbres, sauf de celui qui est au milieu du jardin ?

Dans le premier récit de la création, le couple humain, tout en étant à l'image et à la ressemblance de Dieu, étaient "mâle et femelle". Il s'agit maintenant de poursuivre la création et de faire en sorte qu'une émergence se produise. Le couple humain doit se construire.