Manger le fruit d'un arbre c'est le consommer et le détruire. Cette manière de faire peut correspondre à l'ensemble des sens humains, mais ramener l'union du couple à cette image d'un fruit consommé c'est en rester au stade animal, c'est refuser d'accéder au niveau où dans un couple chacun construit l'autre. On comprend alors que dans le récit il soit interdit de manger et de détruire le fruit de la connaissance du bon et du mauvais. Cet arbre phallique a été donné à l'humanité, non pour une utilisation animale, mais pour inventer un couple humain 18 : Adam et Ève doivent inventer le chemin d'un don réciproque, constructif, où rien n'est consommé, ni détruit. Selon le récit mythique, Adam et Ève, du moins au début, ne parviennent pas à cet idéal.
A cette difficulté s'ajoute peut-être aussi l'illusion de se croire maître de la vie qu'on transmet à ses enfants ; essayer de cueillir la vie par magie, idolâtrie, orgueil, volonté de puissance ; faire en sorte que les rapports humains, spécialement le rapport entre l'homme et la femme, soient faussés par cette démesure, voilà peut-être le désordre qui est aussi suggérée par le mythe, faute "métaphysique" et "mentale" tout autant que "morale". Le texte suggère cette interprétation quand aussitôt après l'expulsion du jardin d'Éden il fait dire à Ève, lors de la naissance de son premier enfant : "j'ai procréé un homme, avec le Seigneur" (Gn 4,1). Accepter de recevoir de Dieu la Vie (pour ses enfants et pour soi-même), c'est organiser entre les hommes des rapports où la générosité du don remplace la volonté de prendre et de manger le fruit.
Paul s'appuie sur ce récit lu au premier degré. Ce faisant il n'impose pas une interprétation obligatoire. En réalité ce qu'il veut démontrer c'est la puissance du Christ qui fait passer de la justification présente à la vie eschatologique sans que l'homme ait besoin d'utiliser la loi.