On constate donc ici un élargissement des perspectives : Paul oppose à la foi non seulement la Loi mosaïque, mais la loi morale grecque (kalos kagathos). Cet élargissement est conforme à l'emploi du "je" universaliste employé au début de cette péricope. Peut-être avons-nous ici une allusion aux écrivains grecs et latins qui ont reconnu cette incapacité de l'homme à faire le bien (Euripide, Médée, 1078-1080 : "Je sens le mal que je vais oser faire ; mais la passion l'emporte sur mes résolutions, et c'est elle qui cause les pires maux aux humains" ; Ovide, Métamorphoses, 7,20-21 : "Video meliora proboque, deteriora sequor" ; Épictète, Entretiens, 2,17,18-19 : "Je veux quelque chose et cela ne se réalise pas. Qu'y a-t-il de plus malheureux que moi ? Je ne veux pas de telle chose et cela se réalise. Qu'y a-t-il de plus malheureux que moi" ; 2,26,1 : "Puisque celui qui pèche ne veut pas pécher, mais bien faire, il est évident qu'il ne fait pas ce qu'il veut".
La morale juive, ainsi que la morale grecque, sont à comprendre comme l'expression d'une "religion" qui essaie d'établir entre Dieu et l'homme un lien étroit. Ce que Paul oppose à la foi, ce qu'il décrit comme régime incapable de conduire à Dieu c'est non seulement la Loi juive mais toute loi morale religieuse, c'est-à-dire toute religion dont le judaïsme est l'expression la plus parfaite, puisqu'il constitue pour nous le début de la révélation.
Quand Paul souligne la valeur de la foi, au détriment de la Loi, c'est toute la "religion" juive qu'il met de côté (et par le fait même il apporte une distinction fondamentale entre la foi chrétienne et les religions). En effet, dans l'ancienne alliance reçue et vécue par Israël, se trouvent mêlées des éléments de promesse prophétique, des préparations à la foi (dans la mesure où l'homme reconnaît que Dieu vient le chercher et le sauver gratuitement), tout un aspect de religion (l'homme cherche à atteindre Dieu) avec toutes les médiations qui correspondent à cette recherche, un ensemble de prescriptions cultuelles, une loi morale efficace. Paul garde de l'Ancien Testament tout l'aspect prophétique, spécialement toutes les préparations à la foi. Mais il considère comme dépassé le régime de la Loi.