Cependant il est étonnant de voir comment au cours des siècles les chrétiens au lieu de souligner l'originalité de la foi chrétienne en viennent souvent à considérer le christianisme comme une religion. La pente de la facilité, la tentation d'imiter ce qui existe déjà, l'attrait du passé, la peur de la nouveauté chrétienne, le désir toujours renaissant de faire notre salut par nous-mêmes, toutes ces raisons ont souvent contribué à transformer la foi chrétienne en une religion. Les sociologues sont satisfaits de pouvoir ainsi classer la foi chrétienne. Dans les rapports avec l'État, les relations en deviennent plus claires. Mais tout cela se fait au prix d'une grande confusion : les discussions actuelles sur la pluralité des religions comme "moyens" de salut révèlent à quel point les grandes idées de Paul ont du mal à pénétrer la théologie catholique. Saint Paul hors les murs, ce titre retenu par l'Église de Rome en dit plus long qu'il n'y paraît !

Cependant ici on pourrait se demander si Paul ne s'est pas contenté d'écarter les traditions plus ou moins humaines qui accompagnaient la Loi et s'il n'a pas conservé le décalogue. Sur ces questions règne dans les Commentaires une grande confusion. Il faut cependant reconnaître que Paul, lorsqu'il s'agit de donner des orientations morales à ses correspondants, ne s'appuie jamais directement sur le décalogue. Il tient à établir une distinction très nette entre la Loi et la foi. Ainsi un texte de Ga (3,12) peut nous éclairer : "Le régime de la loi ne procède pas de la foi ; pour elle, 'celui qui accomplira les prescriptions de cette loi en vivra' " ho de nomos ouk estin ek pisteôs, all' ho poièsas auta zèsetai en autois" (Ga 3,12 citant Lv 18,5).

Ce qui est critiqué par Paul ce n'est pas une suffisance consciente et psychologique, mais une suffisance théologique. Selon la Loi, la vie procède de ce qu'on accomplit les prescription de la Loi. La foi c'est accepter d'être sauvé gratuitement alors que nous sommes pécheurs.