Comment ne pas être déconcerté par la diversité des interprétations proposées concernant la théologie de l'épître aux Romains ! Toutes les opinions ont été soutenues : incohérences de Paul ; présentation déformée de la Loi ; attaque paulinienne seulement contre une mauvaise interprétation de la Loi ; accord fondamental chez lui entre la Loi et la foi ; ou au contraire opposition irréductible entre foi et Loi.
Quel chemin suivre ? Sur quelle interprétation s'appuyer pour avancer dans ce labyrinthe ? Trop souvent les lectures proposées et les tentatives de chacun pour interpréter ce texte se trouvent orientées, parfois inconsciemment, par des présupposés plus ou moins raisonnés. Les débusquer, les déraciner, voilà quelle serait la première opération à faire.
Ensuite comment procéder à une lecture objective et méthodique ? Il est préférable d'éviter l'esclavage d'une seule méthode ; choisissons plutôt pour chaque texte l'instrument méthodologique le plus apte à éclairer le passage : soit argumentation linéaire, soit raisonnement rabbinique, soit construction littéraire concentrique, etc. Ensuite puisqu'il s'agit d'une lettre, comportant, comme c'est courant surtout chez Paul, de nombreuses allusions, il est capital de bien voir ce qui derrière l'argumentation est en question et à quel niveau se déroule la discussion.
Quant à l'objectivité, un de ses critères sera la cohérence qu'on peut et qu'on doit trouver dans la théologie paulinienne. Par principe il convient de se méfier des exégèses qui accusent Paul d'incohérence. Évidemment on peut concevoir qu'un auteur, même et surtout s'il est génial, puisse évoluer ou proposer des idées en tension. On peut penser qu'il s'appuie sur de profondes intuitions, tout en peinant pour les exprimer clairement. Mais renoncer à s'appuyer sur la cohérence d'un auteur, c'est refuser de lui faire confiance, c'est couper avec lui tout lien de communication. Ce principe de la cohérence d'un auteur peut et doit être appliqué aux épîtres pauliniennes, même si on admet l'hypothèse légitime d'une école paulinienne à l'œuvre dans le Corpus des épîtres, peut-être même à l'intérieur de telle ou telle épître. Est-ce ainsi qu'il convient d'expliquer les deux courants féministe (1 Co 7; Ga 3,28) et antiféministe (1 Co 14,34-38, et 1 Tm 2,9-15), ainsi que les "incohérences" concernant les idolothytes en 1 Co, ou bien des ajouts ultérieurs ont-ils atténué des orientations qu'on estimait trop fortes ?
C'est donc la recherche de la cohérence paulinienne que nous allons privilégier (quitte à nuancer la portée des textes deutéro-pauliniens).