Sur quelle argumentation est-il possible de s'appuyer pour décider qu'il s'agit d'une métaphore ou non ? Examinons d'abord l'ensemble des épîtres pauliniennes, où l'on rencontre beaucoup de formulations faisant allusion au sacrifice et à la satisfaction, y compris l'épître aux Hébreux qui insiste beaucoup sur ces représentations sacrificielles et sacerdotales.

1. Spécialement dans cette dernière épître, tout en rapprochant la mort du Christ et les sacrifices, en même temps on les distingue radicalement, les uns étant des "copies" (hupodeigmata), (antitupa tôn alèthinôn), l'autre étant la "réalité" (He 9,23-24; 10,1). Il est même bien précisé que les sacrifices et tout ce qui relève de la Loi, ne sont pas une "image" (eikôn) des réalités, mais seulement une ombre (skia). C'est dire que dans le rapprochement entre sacrifices et mort du Christ il y a en même temps des ressemblances et des différences, et que celles-ci dominent.

2. Le contexte qui accompagne ces représentations sacrificielles est habituellement peuplé de métaphores : dans l'épître aux Hébreux on fait souvent allusion au temple céleste, à la "tente", au voile, à la session à la droite du Père, au testament, à l'héritage. Dans cette épître (9,3.7.24-25; 13,11), comme à la fin de l'hymne aux Colossiens (Col 1,20) on décrit les diverses cérémonies du Yom Kippour, pour les appliquer de manière métaphorique à la mort du Christ.

3. A prendre tout au pied de la lettre, on aboutirait à des incohérences logiques : le Christ terrestre n'était pas prêtre (He 8,4), c'est selon le parfait accomplissement de sa session à la droite du Père (Ps 110) qu'il devient grand prêtre (He 7,28) ; et pourtant sur la croix il s'offre lui-même en sacrifice.

4. Cette représentation sacrificielle, si elle définissait la mort du Christ, devrait se retrouver partout. En réalité elle est absente d'un certain nombre de textes, ce qui tend à prouver qu'elle constitue seulement une métaphore. En effet la valeur et le sens de la croix sont exprimées selon d'autres catégories aussi bien dans les premières épîtres pauliniennes (Ph 2,6-11) que dans les deutéropauliniennes (Ep 1,9-10). Dans le chap. 11 d'He l'auteur parle de la foi, d'une manière directe : à ce moment-là il évite le langage métaphorique (sacerdoce, sacrifice) précédemment utilisé.